Annick – un film de Bianca Sescu – interview réalisée par La Strasbourg
Le film « Annick » fait partie des films sélectionnés pour le « 5ème Mois de Film Roumain à Strasbourg », diffusé au Cinéma Odyssée, dans la section de court-métrages. Projeté pour la première fois à Strasbourg samedi 11 février 2017, le film a rencontré un grand succès auprès du public. Les acteurs des rôles principaux – Angélina Gomes (Annick), Catherine Wagner (maman d’Annick), Elie Deniset (le rockstar) – ont été présents dans la salle et ont répondu aux différentes questions lancées par le publique curieux sur le tournage du court-métrage.
La dernière projection d’« Annick » dans le cadre du Mois du #CinémaRoumain aura lieu dimanche 19 février à 13h10 à Cinéma Odyssée.
Avez-vous envie de mieux connaître la réalisatrice Bianca Sescu et son film « Annick » ? Veuillez lire l’interview réalisée l’année dernière par LaStrasbourg :
“J’ai connu Bianca Sescu peu après mon arrivée à Strasbourg. Je pensais qu’elle était française. Elle ressemblait un peu à Amélie. Nous ne nous sommes pas parlé à ce moment-là. Nous nous sommes croisées depuis, mais nous n’avons pas réussi à échanger tranquillement jusqu’à présent. Je n’ai pas trouvé l’occasion de lui demander comment elle a atterri ici, d’où elle vient et quels sont ses projets. Nous nous sommes rencontrées chez moi et j’ai eu le plaisir de découvrir une personne courageuse, créative et persévérante” – Ioana Țibulcă (LaStrasbourg).
Écoutez l’interview audio (en roumain) pour plus de détails.
LaStrasbourg : Souvent, la première question qu’on te pose quand tu arrives ici, c’est « Qu’est-ce qui t’a amenée à Strasbourg ? », alors …
Bianca Sescu : Je suis diplômée de l’université nationale d’art dramatique et cinématographique I.L. Caragiale – réalisation cinématographique et, en 2012, après avoir obtenu ma licence, je suis venue en France, à Lyon, où je me suis spécialisée en montage. Quand j’ai fini mes études, je suis allée à Paris pour être plus proche des grandes maisons de production et des opportunités d’emploi dans le domaine de l’audiovisuel. Après une année à Paris, j’ai à nouveau changé de ville, et cette fois-ci j’ai choisi Strasbourg. Ici je suis parvenue à monter mon film Annick en 2015.
LaStrasbourg : Annick est ton premier film. Comment as-tu réussi à mener ce projet à bien ?
Bianca Sescu : Annick est un court-métrage indépendant dont je suis le producteur et le réalisateur. J’ai réussi à monter le projet grâce à des aides financières obtenues de la Ville de Strasbourg, mais aussi de la région Alsace. J’ai dû surmonter de nombreux défis avec Annick. Le film devait être tourné en France, en français, mais j’avais conçu le scénario en roumain dans mon esprit. Lorsque j’ai commencé à écrire le scénario en français, je me suis rendu compte combien il était difficile de créer un dialogue dans une langue étrangère qui aurait l’impact que j’avais imaginé. L’équipe était composée de copains roumains et français, spécialistes dans le domaine de l’audiovisuel, tous bénévoles. Tout le processus de pré-production a pris un an, et le tournage quatre jours chez moi, dans un appartement loué et dans une salle de spectacles. La post-production a été compliquée parce que je devais réaliser le mixage en studio, mais j’ai réussi grâce à des copains qui se sont portés volontaires. Tous les fonds que nous avons collectés ont été investis dans l’équipement technique.
LaStrasbourg : Parle-nous du personnage Annick.
Bianca Sescu : Annick est une adolescente de 16 ans qui vit seulement avec sa mère. Elle est à l’âge où elle ne sait pas exactement ce qu’elle attend d’elle-même, ce qu’elle attend du monde, ce qu’elle attend de sa mère. Le film est une tranche de vie dans l’existence des deux femmes. L’idée de ce film était de mettre en relief la relation mère-fille dans des familles monoparentales. Dans le film, j’ai suivi l’évolution sentimentale et tout ce qui se passe dans l’esprit et dans le cœur de l’adolescente. À chaque fois, ces états sont accompagnés des réactions de la mère.
LaStrasbourg : Annick a même été montré en Asie, va sortir en France et dans plus de 25 pays. Comment as-tu réussi à le promouvoir ?
Bianca Sescu : En général, la première étape consiste à envoyer le film à des festivals et ensuite, quand on est sélectionné, le succès dépend de la catégorie du festival. Un autre critère de réussite est de le vendre à une chaîne de télé et d’être diffusé. Annick a ainsi été projeté dans le cadre d’un festival en Asie, sera bientôt montré en France et j’ai réussi à obtenir un contrat avec Euro Channel, qui diffusera le film dans plus de 25 pays. Euro Channel est une chaîne payante qui appartient au groupe français Canal+, une chaîne de télé privée. Ces réussites représentent pour moi la confirmation de la qualité du film.
LaStrasbourg : Parlons un peu du réalisateur Bianca Sescu. Nous nous sommes rencontrées deux fois par hasard à Strasbourg et à chaque fois tu allais voir un film. Quels films et quels livres as-tu aimé ces derniers temps ?
Bianca Sescu : J’ai récemment acheté un livre de poèmes de Fernando Pessoa, le symbole national de la littérature portugaise. Je l’ai découvert à la suite d’un voyage au Portugal. Je n’ai pas encore fini « La Chute » d’Albert Camus.
En ce qui concerne les films, je voudrais recommander les dernières sorties du cinéma roumain : Toni Erdmann et Chiens, qui m’ont beaucoup plu. Je suis contente que le cinéma roumain parvienne à dépasser les frontières et à se faire connaître. Cela me donne de l’espoir à moi aussi.
LaStrasbourg : Quant au cinéma français, qu’est-ce que tu nous suggérerais de regarder ?
Bianca Sescu : La base est constituée de ce que j’ai appris à l’université de Bucarest : des noms tels que François Truffaut, Jean-Pierre Jeunet, Jean-Luc Godard. Plus récemment j’ai commencé à aimer Justine Triet, une jeune réalisatrice dont le second long-métrage vient de sortir ; le premier s’appelle La Bataille de Solférino et le second Victoria. Les héroïnes de ces films sont aussi des personnages féminins, ce qui est l’une des raisons pour lesquelles je les apprécie particulièrement.
LaStrasbourg : En parlant des grands réalisateurs, est-ce que tu as des mentors qui t’ont inspirée ou aidée dans ta carrière cinématographique ou en général ?
Bianca Sescu : Asghar Farhadi est un réalisateur iranien. C’est un réalisateur et un mentor que j’apprécie beaucoup. Je me permets d’appeler « des mentors » les professeurs que j’ai eus en cours de réalisation à l’université de Bucarest et je voudrais mentionner Napoleon Helmis, Copel Moscu et Paul Negoescu. Ils m’ont aidée à découvrir ma vision cinématographique, à savoir que lorsque je parle de quelque chose je dois être convaincue que je veux en parler et pourquoi. Un autre mentor serait mon professeur de français du lycée, Alexa Maria, qui a eu un grand impact sur moi.
LaStrasbourg : À quoi ressemble ton avenir ?
Bianca Sescu : L’avenir le plus proche est le 15 octobre au Cinéma Colisée à Colmar, où Annick figure dans la catégorie « courts métrages » du Festival du film de Colmar 7 JOURS POUR LE 7E ART. C’est la première fois qu’Annick sera projeté en Alsace. Je vous y invite ! Puis Annick ira à des festivals ; j’attends de voir ce qui va se passer. En parallèle, j’ai d’autres idées, d’autres scénarios avec lesquels je candidate à certaines résidences qui m’aideraient à développer des scénarios, pour qu’après je puisse trouver un producteur, un frère spirituel, qui te tient la main dans la production et dans les négociations. Je suis la partie créative et le producteur est le visionnaire en ce qui concerne le côté financier. Actuellement, je suis en train de développer deux projets de courts métrages, qui sont à l’état de brouillon, et je suis à la recherche d’un producteur.
Interview : Ioana Țibulcă
Images : archive Bianca Sescu
Traduction : Diana Raluca Oprinca.